Mémoire de fin d'études 2010/2013 - IFSI CRF Arras
Détermination de l'objet d'étude
II) Détermination et présentation de l’objet d’étude :
1) Une brève histoire de l’Informatique :
L’Informatique est une discipline scientifique qui semble très récente pour la plupart des gens, mais dont les origines remontent désormais à plus d’un siècle. Sans remonter à Pascal et à sa machine à calculer, la Pascaline (1642), les fondements électroniques de cette discipline sont posés dès 1904 avec l’invention de la diode par John Fleming, puis de la triode par Lee De Forest en 1907. La deuxième guerre mondiale servira d’accélérateur à cette technologie, notamment par la mise en œuvre des techniques de cryptographie permettant d’émettre des messages incompréhensibles par le camp adverse. On retient généralement l’année 1943 comme celle de la création de l’ASCC Mark I, considéré comme le véritable premier ordinateur, même si le Z3 allemand lui est antérieur de deux années.
L’après-guerre verra l’arrivée de l’ENIAC, l’invention du transistor, les premiers grands ordinateurs (IBM, Bull, …), puis l’apparition des micro-ordinateurs dont l’ancêtre le plus caractéristique est le Personal Computer IBM lancé en août 1981, à l’origine de l’acronyme « PC » désormais universellement connu.
Cette saga des matériels informatiques (hardware, de l’anglais « quincaillerie ») est bien entendu accompagnée par la progression de la partie logicielle (software, néologisme formé par opposition avec le hardware). Application militaires, puis scientifiques, c’est l’invention du langage COBOL (COmmon Business Oriented Language) qui va permettre le développement d’outils de gestion à destination des entreprises. Progressivement, le développement de nouveaux langages, la maîtrise de plus en plus grande du génie logiciel, vont faire que l’Informatique est désormais présente dans tous les secteurs de la Société, aussi bien professionnels que personnels.
2) L’informatique médicale :
C’est très tôt, dès les années 1960, que l’idée de l’utilisation de l’informatique dans le domaine médical germe dans l’esprit des professionnels du domaine de la Santé, amenant ainsi une nouvelle communauté scientifique à se développer :
- 1968 : création de L’International Federation for Information Processing (IFIP)
- 1974 : autonomisation de l’IFIP et création de l’International Medical Informatics Association (IMIA), qui organisera la même année à Stockholm le premier congrès mondial du domaine, dénommé Medinfo. Cette communauté est devenue la racine fondatrice d’une nébuleuse de congrès, journaux scientifiques, organismes de normalisation, etc, au tout premier plan du domaine de nos jours. Le prochain congrès (Medinfo2013 ) se tiendra du 20 au 23 août 2013 à Copenhague.
- 1985 : Plus spécifiquement quant aux soins infirmiers, le congrès « Informatique et soins infirmiers » réunit à Dijon des infirmiers et des infirmières, des médecins, des ingénieurs informaticiens et un directeur général d'hôpital. Il s'agissait de réfléchir aux préalables à toute introduction de l'informatique dans le domaine des soins infirmiers..
De manière générale, l’Informatique médicale se divise rapidement en de multiples ramifications touchant tous les domaines de la Santé :
- Informatique « technologique » (embarquée dans le matériel médical : imagerie, traitement du signal, automate de laboratoire, chirurgie assistée, …).
- Informatique au service de la communication : télémédecine, télésanté, @santé : relation entre patient et professionnel de santé, ou entre professionnels.
- Informatique au service de la documentation et de la connaissance : bases de données bibliographiques, aide à la décision.
- Informatique au service de la prise en charge coordonnée du patient : DMP, systèmes d’information, …
- Informatique au service de la Santé Publique : système de surveillance épidémiologique et d’alerte.
3) Approche de l’objet d’étude :
Il me semblait particulièrement intéressant, de par mon vécu professionnel initial et mon intérêt pour le domaine des Sciences de l’Information, de traiter de l’apport de l’Informatique dans le cadre d’une meilleure prise en soin des patients. Lors de mes premières réflexions concernant l’objet de ce mémoire, j’ai été rapidement confronté à la multitude de facettes que peut revêtir ce sujet. J’ai été amené à faire des choix pour restreindre mon objet d’étude, et j’ai tout d’abord écarté le sujet très fréquemment traité des systèmes d’information hospitaliers, et des bénéfices liés à la gestion automatisé des données patients, des transmissions, et de la traçabilité induite. Il me semblait plus essentiel de me concentrer sur l’étude des influences des nouvelles technologies dans les services de soins, au plus près du patient, et les bénéfices directs de ces techniques pour ceux-ci.
Ma première interrogation, encore trop vaste et imprécise, a pu alors se formuler ainsi :
« Au-delà de la traçabilité et des impératifs de certification, quels sont les bénéfices et les difficultés de l’informatisation des services pour les patients et les soignants, et quel rôle ces derniers peuvent-ils jouer dans cette nouvelle donne technique ? »
Quels patients ? Quels soignants ? Dans quelles circonstances ? De quelle informatisation s’agit-il ? Autant de questions qu’il s’agissait de résoudre.
J’avais, lors d’un de mes premiers stages, dans un EHPAD, rencontré une personne dont la situation m’avait interpellé. Cette résidente, Madame D., d’une grande timidité, était atteinte d’une tumeur cérébrale qui limitait ses activités intellectuelles. Elle recevait le journal local quotidiennement, mais malheureusement, restait en général sur la même page tout au long de la journée, de même que le signet du roman qu’elle avait commencé ne bougeait guère de place d’une journée sur l’autre. Malgré tout, on sentait chez elle une passion ancienne de la lecture, et une attitude attentive aux stimulations extérieures. C’est ainsi qu’ayant été amené à lui apporter mon aide lors de son bain (planifié pour chacun des résidents sur une base hebdomadaire), j’ai pu discuter avec elle et apprendre à mieux la connaître en la questionnant sur sa vie passée, sa profession (elle était couturière), ses intérêts, … J’en avais gardé l’impression d’une personne bien stabilisée dans ses affects par le cadre rassurant de l’Etablissement, sans anxiété excessive. Lors de ma deuxième semaine de stage, le jeudi, une hospitalisation de 24 heures au centre hospitalier de la ville voisine a été programmée afin de faire subir à Madame D. les examens de routine permettant de suivre et surveiller son état de santé (IRM notamment). Je l’ai sentie angoissée à l’idée de ce court séjour en dehors de son univers habituel, et j’ai tenté de la rassurer, en lui disant qu’il ne s’agissait que d’un bref épisode, et que nous nous retrouverions la semaine suivante comme si rien ne s’était passé. De retour à l’EHPAD le lundi, j’appris lors des transmissions que la tumeur de Madame D. n’avait pas évolué, et que son état était stable. Par contre, elle était revenue très anxieuse, mutique, et n’avait pas un comportement habituel. Effectivement, lors de mon passage dans sa chambre pour les soins, je l’avais trouvée triste, alitée (alors qu’elle était en général assise dans son fauteuil, à tenter de lire son journal) et plus confuse qu’habituellement, me comprenant mal, répondant difficilement aux questions. En continuant à l’interroger avec douceur, j’ai pu comprendre que son séjour hospitalier l’avait traumatisée, de par un cadre inconnu et impersonnel, des soignants pressés et peu empathiques, un enchaînement d’examens non expliqués et l’impossibilité de retrouver son rythme de vie habituel. Cela m’a alors amené à me poser la question du déplacement des patients fragiles lors d’examens de routine, et du rapport bénéfice-risque de ce type de déplacement. Malheureusement, mon interrogation n’avait à l’époque pas suscité de réponse vraiment utile de la part des infirmières de l’EHPAD à qui je m’étais ouvert de mes préoccupations (elles comprenaient bien mon soucis, mais n’avaient pas de réelle solution à apporter au problème posé).
C’est plus tard, au cours d’un stage effectué avec une infirmière libérale, que j’ai eu l’occasion d’accompagner celle-ci à une soirée d’information organisée par l’ARS de la région Picardie, sur le thème du Dossier Médical Personnel. Cette réunion décrivit les différents aspects de la mise en œuvre du DMP, mais fût également l’occasion de décrire les différents projets de la e-Santé en cours en Picardie, notamment ceux portés par le GCS e-Santé Picardie, Groupement de coopération sanitaire mandaté par l’ARS :
- Le DMP en Picardie (28199 DMP créés en Picardie au 01/10/2012, dont 20946 aliments, pour un total de 120128 documents envoyés)
- La plateforme de télémédecine « COMEDI@ » (Coopération MEDicale Innovante en @santé) :
o Téléconsultation
Coopération médicale
Outils biomédicaux
Télé-dossiers
Partage temporaire du dossier patient
Diagnostic
o Téléconférence
RCP
o Téléradiologie
o …
Je découvrais que l’Informatique Médicale recouvrait bien plus que la simple gestion des patients dans les logiciels hospitaliers (comme Osiris®, Titan®, …), mais surtout que ces nouvelles applications n’étaient pas que de simples projets théoriques, et avaient, ou allaient donner lieu rapidement à des applications concrètes dans les lieux de soins, notamment en EHPAD.
J’avais là les éléments essentiels de ma réflexion, mais il me manquait encore un lien, une pierre angulaire capable de faire tenir ensemble les différentes composantes rencontrées, d’assembler le tout en une réflexion cohérente. C’est une lecture, un texte de Pierre Espinoza publié en avril 2011 dans le cadre du projet Télégeria lancé en 2006, dont il est le coordonnateur, et intitulé « Télémédecine et gériatrie – un avis spécialisé sans déplacer la personne âgée » qui va me permettre d’atteindre cet objectif.
Ce texte décrit le réseau Télégéria, réseau de télémédecine entre l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) et des établissements gériatriques. D’après l’auteur, les techniques nécessaires sont disponibles – très haut débit et haute définition, et répondent aux réalisations de téléconsultations dans des structures aussi variées que les EHPAD, les SSR, les services de soins de longue durée, les centres de santé et même le domicile. « Le face-à-face à distance médié par des écrans, la transmission des clichés radiologiques en temps réel ainsi que la réalisation de comptes rendus par voie numérique intégrés au dossier médical » supposent une nouvelle approche métier, mais aussi, et c’est le point qui m’a semblé primordial dans ce texte, « Le fait majeur est la création de nouveaux métiers, celui d’assistant de télémédecine qui valorise une fonction d’aide-soignant ou d’infirmier à travers la maîtrise technologique des stations, l’accompagnement humain du patient, la médiation éventuelle pour certains actes et surtout l’organisation mise en place pour des raisons d’efficience professionnelle et économique ».
A titre d’exemple d’efficience, dans le contexte d’une échographie cardiaque, seuls deux patients sur cent examens ont du être transportés à l’hôpital Georges Pompidou pour un examen classique in-situ.
Outre l’HEGP, Télégéria aide actuellement au déploiement de la télémédecine dans 13 établissements de santé picards autour de l’hôpital de Beauvais. Cette information m’a également semblée importante, résidant moi-même en Picardie.
Je tenais là l’ensemble des données brutes me permettant d’esquisser les frontières de mon sujet de mémoire.
En effet, j’avais beaucoup apprécié les stages me mettant en contact avec des personnes âgées, dans un contexte familier pour elles, comme le domicile ou la maison de retraite. Ces personnes sont particulièrement fragiles, de par leur âge, leurs pathologies (souvent multiples, touchant l’intégrité corporelle mais aussi mentale), et nécessitent une prise en soin toujours particulière et très personnalisée, car si chaque patient est unique, cela est encore plus vrai avec des patients ayant chacun des histoires de vie aussi diverses et longues. J’avais pu constater comment des repères stables et connus pouvaient être perçus comme des vecteurs d’un véritable bien-être, et à contrario comment la perte de ces repères était vécue comme une agression, dans le cas de Mme D. par exemple.
Enfin, j’avais pu trouver des éléments de réponse importants à ces problèmes dans la télémédecine, à travers la réunion de l’ARS à laquelle j’avais assisté, et les textes que j’avais pu lire sur le sujet. Qui plus est, le rôle de l’aide-soignant et de l’infirmier semble être critique quant à la réussite de ce type de projet.
Dès lors, mon sujet se devait de cibler les résidents et le personnel soignant des EHPAD, et leur approche de la télémédecine, tout en respectant ma première approche visant les bénéfices et les difficultés de l’informatisation, et le rôle qu’y tient l’infirmier. La notion de bénéfice étant imprécise, elle peut être remplacée par celle de qualité, qui présente l’avantage de s’inscrire dans une démarche de plus en plus familière aux soignants dans l’exercice de leur profession.
En résumé, résidents d’EHPAD, soignants, qualité, télémédecine sont les éléments importants de ce mémoire. Les formulations possibles sont multiples, et j’ai retenu plus particulièrement celle qui suit comme question de départ :
En quoi le rôle IDE améliore-t-il la qualité de la prise en soin des résidents d’EHPAD dans un contexte de télémédecine ?
Cette question a le mérite de poser de manière concise l’ensemble des interrogations qui ont émergé de mes réflexions préalables.
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